Frank Vandenbroucke veut interdire les arômes pour cigarettes électroniques
Sur base d’un avis alarmant du Conseil supérieur de la santé, Frank Vandenbroucke veut purement et simplement interdire les arômes des cigarettes électroniques, accusés de séduire une nouvelle génération de jeunes vapoteurs.

Le ministre de la Santé fonderait sa décision sur un rapport consultatif du Conseil supérieur de la santé (CSS), qui tire la sonnette d'alarme : « une réduction urgente et drastique du nombre de saveurs disponibles pour les cigarettes électroniques » est nécessaire, explique le rapport.
Le CSS ne se prononce pas quant au nombre de saveurs à garder, mettant en exergue que la prévalence d'autres goûts que le tabac pourrait aussi aider des adultes à arrêter de fumer. Si le Conseil est unanime sur l'urgence de réduire les saveurs [1], certains experts se positionnent en faveur d'une limitation au seul arôme du tabac - comme aux Pays-Bas -, tandis que d'autres ouvrent la porte à l'autorisation de quelques goûts supplémentaires (maximum trois, en règle générale) pour aider au sevrage tabagique. « Il est toutefois évident que les préférences individuelles des adultes ne sauraient primer sur la protection de la jeunesse à l'échelle de la population. Les preuves scientifiques existantes sont suffisamment solides pour justifier une action réglementaire immédiate », assène le Conseil, qui laisse la main au législateur.
Niveau de vapotage « alarmant » pami les jeunes
Le CSS pointe que le vapotage chez les jeunes est « alarmant », avec une « proportion d'utilisateurs réguliers aujourd'hui plus de quatre fois supérieure à celle de 2018-2019 ». Ce qui attire les jeunes vers le vapotage est la curiosité, mais aussi les saveurs proposées: « Avec l'introduction de saveurs 'tendance' et 'cool' tels que le pop-corn, le chewing-gum et la barbe à papa, l'industrie du tabac et de la cigarette électronique tente spécifiquement d'atteindre les jeunes avec ses produits addictifs », dénonce le CSS dans son avis. Les jeunes seraient surtout attirés par les saveurs fruitées, de bonbons, de boissons et de desserts.
Si l'e-cigarette peut par ailleurs aider les adultes à arrêter de fumer, ces derniers semblent plus séduits par les saveurs de tabac et de menthe. « Les rares données disponibles ne sont pas concluantes et ne montrent pas de lien clair entre l'utilisation des saveurs des cigarettes électroniques et les résultats en matière de sevrage tabagique », souligne le Conseil.
« Protéger nos enfants contre une industrie criminelle »
Par ailleurs, si de nombreuses substances aromatisantes utilisées dans les e-liquides sont autorisées pour la
consommation orale, beaucoup n'ont pas été étudiées pour leur toxicité par inhalation. Enfin, le CSS recommande également d'intensifier les contrôles afin de lutter contre le commerce illégal et préconise de se coordonner avec les pays frontaliers pour éviter que les jeunes ne s'approvisionnent dans les pays voisins.
« La cigarette électronique est l'invention d'une industrie criminelle qui cherche à rendre une nouvelle génération de jeunes accros à la nicotine », affirme le ministre Vandenbroucke dans la presse néerlandophone. « Les innombrables arômes masquent l’extrême nocivité du produit. Interdire ces arômes est donc la seule solution pour mieux protéger nos enfants et briser le pouvoir du lobby du tabac. »
Il est clair que des e-liquides intitulés « barbe à papa », « charlotte aux fraises », « vampire » ou encore « biscuit », illustré avec une image de cookie, n'ont pas pour vocation d'aider les fumeurs invétérés et dépendants à arrêter, mais bien à attirer les plus jeunes, voire des enfants... Pour Vandenbroucke, c'est clair et net : interdiction pure et simple. On ignore quand l'interdiction pourrait entrer en vigueur. Le ministre préférerait l'appliquer au plus vite, mais le processus est encore long.
1. En 2017, près de 20.000 e-liquides, avec 250 descripteurs d'arômes distincts, ont été identifiés aux Pays-Bas.
Vers des paquets neutres pour les cigarettes électroniques ?
Chez nous, les cigarettes électroniques ne sont pas (encore) concernées par l'obligation de paquet neutre. La Fondation contre le cancer plaide pour que ce soit le cas car « l'emballage demeure fortement attractif pour les jeunes ».
Saluant la sortie du dernier rapport sur les avertissements sanitaires et l’emballage neutre par la Société canadienne du cancer, qui confirme la progression du paquet neutre à travers le monde, la Fondation contre le cancer appelle à étendre cette mesure aux cigarettes électroniques. « Ces avancées constituent des étapes essentielles dans la lutte contre le tabagisme à l’échelle mondiale », se réjouit la Fondation contre le cancer.
Pour rappel, chez nous, le paquet neutre - sans logo ni couleurs attractives - est obligatoire pour les cigarettes, le tabac à rouler et le tabac pour pipe depuis janvier 2020 (arrêté royal du 13 avril 2019). La Fondation s'était mobilisée pendant plus de dix ans pour l'obtenir, s’appuyant sur de nombreuses études démontrant son efficacité.
La e-cigarette encore et toujours dispensée
Un nouvel arrêté royal du 28 juillet dernier étendra la mesure à d’autres produits à base de tabac (cigares, cigarillos et tabac chauffé) à partir du 1er juin 2026. Mais les e-cigarettes ne sont, elles, toujours pas concernées... L’objectif de la mesure est pourtant clair: le paquet neutre réduit l’attractivité des produits de tabac, en particulier auprès des jeunes, en éliminant logos, couleurs et tout élément publicitaire des emballages. « Le paquet neutre réduit le pouvoir d’attraction des marques de tabac, et renforce l’impact des avertissements sanitaires. C’est un outil essentiel de prévention, surtout chez les jeunes », analyse Nora Mélard, experte à la Fondation contre le cancer.
La Belgique avait joué un rôle pionnier en figurant parmi les premiers pays européens à adopter le paquet neutre, après la France (2016), l’Irlande (2017) et la Slovénie (2020). « Aujourd’hui, la Fondation contre le cancer appelle les autorités à jouer un rôle pionnier en étendant cette mesure aux cigarettes électroniques, dont l’emballage reste fortement attractif pour les jeunes », plaide l'association dans un communiqué. Le fait que les e-cigarettes échappent encore à la réglementation sur l’emballage neutre constitue une faille préoccupante alors que leur consommation chez les jeunes ne cesse d’augmenter.
Selon le dernier rapport de VAD, près de 10% des élèves de 12 à 18 ans vapotent de manière régulière, et 6% tous les jours. Des chiffres qui ont doublé en deux ans, et quadruplé en cinq ans, appelant à des mesures supplémentaires pour limiter les dégâts au plus vite. « Il est par ailleurs indispensable de réduire drastiquement les arômes attractifs actuellement disponibles sur le marché, qui favorisent l’initiation et l’addiction nicotinique et peuvent constituer une porte d’entrée vers le tabagisme chez les jeunes », alerte les tabacologues de la Fondation. « Les cigarettes électroniques sont souvent présentés dans des emballages colorés et séduisants, qui banalisent leur consommation. Nous plaidons pour un emballage neutre et une limitation stricte des arômes, afin d’éviter une nouvelle génération dépendante à la nicotine », conclut Nora Mélard.